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Il « n’a jamais plaidé pour elle », selon ses propres termes. Camus a connu l’Occupation et sait la violence inévitable. Ce qui est odieux est de la légitimer. Pour un Grec, un crime de sang restera toujours une impureté.

Dans le mythe d’Héraclès, les douze travaux réalisés à la gloire d’Héra représentent les étapes de la purification. À sa naissance, son nom est Alcide, le fort, et sa force l’entraîne à la violence. Inconscient de sa puissance et rebelle, il tue son maître de musique d’un coup de lyre, puis plus tard, en pleine démence, il tue sa femme et ses propres enfants. Quel crime plus horrible peut-on imaginer ? La Pythie de Delphes lui ordonne de gagner Tirynthe où Eurysthée lui imposera les épreuves purificatrices. Héraclès devient le pourfendeur de monstres, le bienfaiteur des hommes. Sa force rayonne enfin la générosité solaire. Il accepte le prix de la démesure grâce à la mesure acquise. La même force devenue généreuse lui permet, en toute piété, de dépasser les limites assignées aux mortels. Le héros devient exemplaire pour les hommes. Camus sait que la violence est parfois inévitable mais toujours injustifiable. Il faut tenir vivantes les limites. L’homme doit apprendre à retenir la fureur, à amortir les effets de la violence. Camus cherchera toute sa vie à incarner la justesse, l’équilibre, avec virilité, comme un véritable courage.

Le combat contre la violence est un combat pour se connaître soi-même et atteindre la maîtrise. Camus se sait imparfait et les hommes perfectibles. Il a vu ce qu’un homme pouvait faire à un autre homme sans aucun problème de conscience dans la torture et la guerre. Ne pas accepter la violence ? Le risque est de s’y soumettre ou de la développer. Il a sans doute ressenti lui-même l’appel au meurtre face à l’innommable. Ce qu’il combattra sans relâche, ce sont les institutions de la violence et leurs justifications idéologiques.